De 2011 à 2022, la révolution citoyenne est un temps long

Je rentre fraîchement des AMFiS de Valence, après quatre jours denses et extrêmement enrichissants. Pour commencer, il est nécessaire de remercier les organisatrices et organisateurs, militantes et militants bénévoles pour l’excellente tenue de nos universités d’été de la France insoumise. Ceci étant dit, je vais passer directement au cœur de ce que m’a inspiré cette édition 2020 de nos AMFiS à Valence. Mon avis est qu’avec dix ans d’implication et de recul sur la théorie et la pratique politiques, la révolution citoyenne s’inscrit dans un temps long.

Je me souviens comme si c’était hier de mon premier grand meeting politique : c’était le lancement de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon le 29 juin 2011 à Paris, place Stalingrad. A cette époque, tout jeune militant de 24 ans, je n’avais pas pris la mesure de ce qui allait être germé par le primo-candidat d’alors : les graines de la révolution citoyenne. La victoire de François Hollande n’avait pas permis de comprendre ce qui s’était passé lorsque pour la première depuis des décennies, une gauche radicale atteignait 11% à l’élection présidentielle. Les analyses de l’époque étaient centrées sur la personnalité du candidat Mélenchon. Pas sur ce qu’il portait à l’époque.

Jean-Luc Mélenchon, le 18 mars 2012 – discours pour la sixième République place de la Bastille

La théorie de l’ère du Peuple est absolument nécessaire et centrale pour comprendre qu’une révolution citoyenne se traduit sur un temps long. Et les 11% de Jean-Luc Mélenchon sont la première étape de ce processus de révolution qui ne va pas s’arrêter. L’ère du Peuple décrit comment une révolution citoyenne passe par plusieurs étapes, parfois distinctes entre elles, parfois mêlées : ce sont les phases destituantes et constituantes. 2012 a été la première étape de la phase destituante du processus. Il s’agissait à l’époque de se redéfinir comme un « nous ». En cela, l’introduction du discours pour la 6ème République en 2012 place de la Bastille est une illustration parfaite du mon propos. Je cite : « Et où on était passés ? Où on était disparus, tout ce temps ? On se manquait, on s’espérait, on s’est retrouvés ! Génie de la Bastille, qui culmine sur cette place, nous voici de retour ! Le Peuple des révolutions et des rebellions en France ! ». Ainsi, le « nous » était constitué.

La deuxième phase du processus destituant a donc été de lancer ce « nous » contre le « eux ». C’est la période mondiale des Indignés, du mouvement des 99%. Elle se matérialiste par le lancement de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon le 5 juin 2016 à Paris avec le défilé de la France insoumise. Toutes les professions ont défilé pour affirmer qu’ensemble, nous avons un « Avenir en Commun ». La construction du programme a été faite avec les citoyens, les experts de tous les domaines, les associations et que sais-je encore. Cette nouvelle étape s’était voulue constituante, bien que la phase destituante était encore à l’œuvre. François Hollande en incapacité de se présenter, effondrement des partis traditionnels, émergence et élection d’Emmanuel Macron, le pays a continué à être traversé par le dégagisme de la phase destituante, alors même que le programme l’Avenir en Commun et Jean-Luc Mélenchon réunissaient 7 millions de voix et presque 20% à l’élection présidentielle de 2017.  

Jean-Luc Mélenchon, le 5 juin 2016 au défilé de la France insoumise à Paris

Chacun le sait, ces deux phases sont encore et toujours à l’œuvre. Le mouvement des Gilets Jaunes est passionnant en ce sens qu’il concentre, en son sein, les deux phases entremêlées de la révolution citoyenne qui adviendra dans les deux prochaines années. Pourquoi ? Une part immense du Peuple français a soutenu les GJ, même dans les phases les plus aigües de la crise. Les mots étaient sensiblement les mêmes que ceux que l’on retrouve partout où des révolutions citoyennes ont lieu : « Macron démission ! », « Dégage ! », et ainsi de suite. La phase destituante est donc bel et bien en cours entre 2018 et aujourd’hui alors que dans le même temps, la conscience de changer de république, de mode de pratiques politiques, allant vers plus de participation et de démocratie fait corps au sein des catégories de la population étant les plus éloignées de la politique. C’est la phase constituante qui est à l’œuvre.

Nous sommes en résonance avec ces deux phases. Chacun a bien compris depuis l’élection d’Emmanuel Macron que LFI était la principale opposition, mais dans le même temps, à chaque fois que le Peuple est entré en scène, par l’intermédiaire des Gilets Jaunes ou des manifestations pour le climat, nous sommes sortis renforcés. La débat médiatique se trompe totalement en mettant en avant les faibles scores aux européennes et aux municipales, pour plein de raisons, et finalement, il faut les en remercier. Ils n’ont pas conscience de ce qui se joue pour la présidentielle de 2022.

Nous sommes en résonance, disais-je. En effet, quand Macron convoque un grand débat, ou une convention citoyenne pour le climat, nous nous rendons compte que les résultats de ces travaux sont toujours à 90% en accord avec le programme l’Avenir en Commun. Nous gagnons des batailles idéologiques et concrètes depuis quelques années et cela ne va que dans le sens de ce que nous théorisons depuis plus de 10 ans maintenant. Tout cela, Mélenchon l’a bien détaillé lors de sa conférence sur l’ère du Peuple aux AMFiS de 2020.

Passons maintenant à 2022. Le discours de clôture des AMFiS d’été de Valence est un discours de campagne, quoi qu’on en pense. Radicalités concrètes, eau, énergie, propositions de fond et précisions tactiques, ce discours doit être vu par le plus grand nombre. D’ailleurs, l’intérêt a été grand puisque 3 chaînes d’informations en continu l’ont diffusé, 51 000 vues sur Youtube, 262 000 vues du meeting sur la seule page de Mélenchon sur Facebook, bref, l’audience a été large, et il faut l’amplifier !

Jean-Luc Mélenchon, le 23 août 2020 aux AMFiS d’été de la France insoumise à Valence

2022 s’inscrira donc dans la fin de la phase destituante et l’avènement de la phase constituante du Peuple français sera rendue possible avec l’ambition de créer des « causes communes », comme le dit Jean-Luc Mélenchon. Après avoir construit patiemment le « nous », après avoir identifié le « eux », il s’agira maintenant de redéfinir collectivement les règles qu’on voudra se voir appliquées, bref refonder le Peuple français. C’est la convocation d’une assemblée constituante, le passage à une 6ème République, le partage de la richesse, la réappropriation des biens communs, le déploiement des services publics grâce aux outils de planification (écologique et économique), la réindustrialisation des secteurs clés de notre économie, et l’affirmation d’une souveraineté populaire retrouvée !  Quelle que soit la décision de Jean-Luc Mélenchon d’être notre candidat, ce que je souhaite, le mois d’octobre sera essentiel comme étape du processus de révolution citoyenne dans notre pays.

Alors que les partis traditionnels pensent que notre courant politique est isolé et essoufflé du fait des résultats aux européennes et aux municipales, nous pouvons continuer d’avancer sous les radars. Ils sont, comme les médias mainstream, incapables de replacer la politique dans le temps long. Ils sont déconnectés du Peuple français, du fait de ne pas considérer les révolutions comme des constructions sociales et politiques, dans un continuum, avec des temps chauds et des temps froids. Faut-il leur rappeler qu’en 2017, Mélenchon tutoie le second tour avec LFI alors que les municipales et les européennes de 2014 ont été mauvaises, de même que les cantonales et les régionales de 2015 ? Ce Peuple constituant ne se déplace que lors de la seule élection susceptible de renverser la table : l’élection présidentielle. Et c’est exactement à cela qu’il faut continuer de travailler pour 2022.

5 réponses sur “De 2011 à 2022, la révolution citoyenne est un temps long”

  1. Pourrions nous envisager d’élire une équipe au lieu de voter pour un seul homme quel qu’il soit ? Et si le candidat présentait son 1er ministre et ce dernier, ses ministres, pendant la campagne (gouvernement qui serait constitué pour le temps que la constituante fasse son taf) ? Ne serait-ce pas innovant ? Et pour les médias, plus difficile de basher plusieurs candidats à la place d’un seul. Si cela est fait au bon moment, peut-être les prendrons-nous de cours ? Pour les électeurs, nous serions transparents. Nous jouerons franc-jeu. Ils sauraient pour qui ils votent, un président et un gouvernement. Cela éviterait de personnaliser la campagne. Pour les gens qui n’aiment pas Melenchon, ils verraient d’autres personnes qui parleraient en tant que membre d’un futur gouvernement. Leurs paroles seraient davantage pris au sérieux qu’un simple porte-parole. Un autre avantage, c’est la répartition des interventions médiatiques (un thème de l’AEC = un ministre) et des meetings. Possibilité de meetings à thème avec un ministre expliquant sa mission et le comment. Possibilité aussi de faire des meetings à plusieurs sous forme de conversation pour faire les liens entre les thèmes. De plus, ce serait moins fatiguant pour le candidat. Il y aurait plein d’avantages et de possibilités avec cette stratégie. Elle serait en cohérence avec notre programme, non ? Mais peut-être suis-je trop naïve ? Peut-être que ce n’est juridiquement pas possible ? Qu’en pensez-vous ?

    1. Bonsoir,

      Tout est possible, mais c’est déjà quand même plus ou moins le cas. Les députés européens ou nationaux sont dans des commissions particulières et font des propositions de loi sur des sujets particuliers que chacun maîtrise.
      En étant attentif, vous verrez que nous couvrons chaque domaine de chaque ministère et que nous sommes en capacité de former un gouvernement complet

      Merci pour votre commentaire en tout cas.

      A bientôt.

      Arnaud

    2. J’avais déjà pensé à quelque chose comme ça, par exemple une candidature collégiale, avec une parité, et puis oui, pourquoi pas, initier des rencontres avec plusieurs membres de la FI et des débats contradictoires avec des citoyens.

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