De Dijon à la présidentielle de 2022 : analyse du scrutin municipal

Les élections municipales à Dijon n’ont pas échappé à la règle : l’abstention a été massive dans la capitale des Ducs de Bourgogne. Avec une participation à hauteur de 33.4%, il est clairement établi qu’une grève civique a bel et bien eu lieu lors de ce scrutin. En ce sens, l’analyse quartier par quartier du vote est essentielle pour comprendre ce qu’il s’est passé. Nous avons assisté à une abstention massive mais malgré tout, elle n’est pas uniformément répartie sur le territoire dijonnais. S’il semble difficile de tirer des enseignements définitifs sur la question des échéances électorales à venir, il y a des conclusions importantes à tirer.

Une abstention dépendante du contexte socio-économique

Lorsque l’on regarde les quartiers où le niveau de vie est relativement dans la moyenne ou supérieur à la moyenne, la participation au vote est soit dans la moyenne, soit supérieure. Dans le quartier Montchapet, la participation s’élève à 35.3%, au centre-ville, elle s’élève à 37.2%, et à 37% dans le quartier Wilson. A contrario, dans les quartiers populaires, la participation s’effondre. A la Fontaine d’Ouche, la participation atteint péniblement 27.6%, à Joffre/Stalingrad, on atteint 27.7% de participation. Dijon a également fait la une de l’actualité nationale dans le cadre des violences entre bandes tchétchènes et habitants des quartiers des Grésilles, le tout sur fond de règlements de compte, de trafics d’armes et de drogue. Sans surprise dans le quartier des Grésilles, il n’y a pas eu foule dans les bureaux de vote : 31.3% de participation.

La prime au sortant et la faiblesse structurelle du vote écologiste

Dans les quartiers populaires, que ce soit aux Grésilles ou à Fontaine d’Ouche, François Rebsamen réalise ses meilleurs scores, respectivement 63% et 52%, avec des pointes jusqu’à 80% dans certains bureaux. L’implantation locale de longue date (pour rester poli) dans les quartiers populaires a payé. La droite peine à s’implanter et le vote écologiste frôle le néant. Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous pouvions nous attendre à ce que le vote écologiste soit fort dans le centre-ville compte tenu de la dénonciation tous azimuts de l’ultra-bétonisation de la ville. À Darcy, EELV réalise son score moyen sur la ville : 21.4%, à Devosge en plein centre-ville, EELV chute à 18.2%, et à la mairie, les verts arrivent tout juste à 21.5%. Finalement, EELV tire son épingle du jeu dans les quartiers à fort pouvoir d’achat comme Chevreul et Montchapet avec des scores aux alentours de 25%. Que cela soit dit, ce sont des quartiers où Emmanuel Macron avait réalisé des scores importants à l’élection présidentielle de 2017.

Analyse en pourcentage des inscrits et en nombre de voix

Bien trop souvent, les analystes politiques s’arrêtent à la question du pourcentage brut dans la restitution des soirées électorales. Néanmoins, la faiblesse de la participation devrait amener tout le monde à un tant soit peu d’humilité. En effet, au regard des suffrages exprimés par rapport au nombre total des inscrits, le Maire sortant est finalement réélu par 14.2% des Dijonnaises et Dijonnais inscrits sur les listes électorales. La droite, elle, a réuni 11.3% des inscrits quand EELV a recueilli 7% des voix des inscrits. Si bien entendu, il ne s’agit pas de contester la validité du scrutin, nous sommes en droit de poser la question de la légitimité populaire de tels scores. Lorsque l’on pose la focale sur le nombre de voix obtenues, on se rend assez vite compte de la faiblesse du vote due à l’abstention. La maire François Rebsamen a réuni 11 746 voix au deuxième tour dans une ville de 155 090 habitants. La réalité est crue, mais c’est celle-ci. Inutile donc de parler des scores de ses adversaires qui sont eux aussi faméliques vis-à-vis de la taille de la ville. Un autre élément de comparaison est tout à fait parlant. L’élection présidentielle de 2017 montre qu’Emmanuel Macron a réuni 17 776 suffrages sur son nom quand Jean-Luc Mélenchon en a réuni 14 246. Les deux candidats à la présidentielle ont donc réuni sur leur nom systématiquement plus de votes que le maire sortant régnant sans partage sur la ville depuis 2001. Voilà qui devrait amener tout le monde à plus d’humilité.

L’illusion de la vague verte

Bien que Dijon soit dans une configuration particulière, l’analyse de ses votes permet de dégager malgré tout des tendances nationales. Il n’y a pas de vague verte sur le territoire. Lorsqu’EELV prend des mairies de grandes villes, c’est systématiquement en alliance avec LFI ou le PS. Dijon est un cas d’école. EELV a voulu parti seule et c’est la sanction dans les urnes. Ils prennent quelques voix dans les zones où LaREM a fait de bons scores mais sont totalement dissous de la carte politique dans les quartiers populaires préférant l’abstention et le soutien relatif au maire sortant. Alors au lendemain de ce scrutin, les verts claironnent leur victoire alors que le PS a finalement été le parti le plus ancré dans ces élections municipales (avec LR). Les verts font une lourde erreur d’analyse, car à la vérité, l’effacement du Rassemblement National et la volonté de la France insoumise de se mettre à disposition de collectifs citoyens passent sous les radars. Les électeurs frontistes se sont très peu déplacés dans les urnes et leur faible représentation en termes de listes proposées a fait que ses électeurs sont restés à la maison dans des zones où ils font habituellement de gros scores.

LFI, quant à elle, glane des mairies et des centaines de conseillers municipaux malgré les torrents d’abstention. Comme je l’ai dit, la clé est l’intervention populaire et l’analyse des votes des quartiers de Dijon est tout à fait éclairante de ce point de vue. Avec une participation très faible, et un vote écologiste à la marge, ce sont bel et bien les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui ne se sont pas déplacés aux urnes. Aux Grésilles et à la Fontaine d’Ouche par exemple, à l’élection présidentielle, la participation était de bonne facture, dans la moyenne de la ville, et Mélenchon a réalisé des scores allant de 35 à 42% dans ces quartiers. La conclusion est la suivante : les analystes qui pensent que la gauche plurielle a retrouvé des couleurs et va restructurer le leadership pour 2022 en seront pour leurs frais. Car ce n’est absolument pas ce qu’il s’est passé dans ce scrutin municipal. L’assise populaire est quasi inexistante dans l’électorat EELV, et il en est de même au Parti Socialiste. La sortie de Jadot sur le bon et le mauvais capitalisme illustre bien la coupure des Verts avec les milieux populaires. Qui plus est, le PS, par l’intermédiaire de ses dinosaures à la Le Foll ou Rebsamen, critique l’absence de base populaire d’EELV, restant dans le déni de leur dissolution totale dans le cœur de l’électorat populaire !

D’ailleurs, malgré la « vague verte », les sondages d’intentions de vote mettent la France insoumise en 3ème position, et le total PS/EELV n’atteint pas le score attribué pour l’heure à Jean-Luc Mélenchon. En ces temps de grève civique et d’insurrection froide, il est nécessaire de garder les pieds sur terre et de rester humble. Un programme complet est d’ores et déjà disponible, bien qu’à enrichir, et une personnalité se détache largement pour incarner les idées du programme.

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